Renvois et références reliés aux textes mémoires de Florian Jutras

vendredi 13 mars 2009

R05 Lucien le patenteux


L'on disait couramment que Lucien n'était pas fait pour être cultivateur. Il aurait dû être mécanicien ou à notre époque il aurait pu devenir un ingénieur qualifié. Moi je lui accorde plus spontanément le titre de "patenteux" avec tout ce que l'expression peut comporter de noblesse pour le génie humain et de comique pour les cocasseries que l'on associe souvent à cette profession dans la société.

La liste des patentes qui sont sorties des mains et du génie pratique de Lucien serait longue à dresser. Évoquons-en quelques-unes.

Jeux d'enfants

Je me souviens du traîneau en frêne blanc à la lisse très coulante qui nous permettait de dépasser les autres lorsque nous allions glisser dans la coulée de Jos Courchesne ou sur la côte de glace que papa nous faisait chaque hiver à partir du perron du fournil.

Je revois les mortaises qui reliaient les lisses, la courbe arrondie du patin, la surélévation du siège qui permettait de passer dans la neige plus épaisse et la longue corde que nous nous passions au tour du cou pour ramener le traîneau après la descente. Il n'était pas muni de la lame métallique des traîneaux rouges sortis du magasin mais quelques années plus tard, il fut remplacé par les skis.

Des skis "home made" comme de raison. Je revois les six planches de freine blanc dont il avait trempé le bout pendant une demi-heure dans l'eau bouillante de la bouilloire à linge pour pouvoir les plier. Elles sont encore là dans ma mémoire la pointe fixée sous le "side board", retenues par des bûches et des cordes. Pendant toute la nuit, dans la cuisine elles montèrent la garde des montagnes virtuelles que le poêle projetait sur les murs comme pour nous les réserver. Le lendemain trois belles paires de ski au bout arrondi nous attendaient.

Avec ces skis, nous avons glissé partout où il y avait pente, même sur le tambour qui unissait l'étable à la grange. Émule du patenteux attitré, je m'étais avisé de visser mes bottes de travail sur ces skis de fortune. Le prototype des fixations actuelles quoi! Papa en avait ri mais j'ai cru qu'il regrettait de ne pas y avoir pensé avant moi!

Il nous a aussi montré toutes sortes de trucs amusants qui allaient du sifilet à trois trous tiré d'une branche de saule aux tracteurs fabriqués avec une "canelle" de fil, un bout de chandelle et un élastique. Et cela fonctionnait. Je pense aussi au jeu des boules d'acier roulant sur deux tiges de fer qui mesuraient notre « self control ».

Le radio à cristal
Je ne sais si quelqu'un a conservé l'un de ces nombreux radios à cristal qu'il a fabriqué pour les voisins et la parenté. Il faisait venir le cristal par la poste je ne sais d'où, puis, avec un savant enroulement de fil de cuivre et une manette de fabrication domestique, il arrivait à syntoniser les principaux postes de l'époque : CKAC – CBF et peut-être d'autres.

Je me souviens que les voisins du rang, chaque lundi soir, je crois, arrivaient, leur écouteur de téléphone en mains pour le brancher sur l'unique radio à cristal du rang et écouter ensemble, assis autour de la table, le Curé du village. C'était avant Séraphin et dans le rang St-Alexandre, avant internet.

L'électricité

Le cauchemar de maman! Bien avant la l'invention d'Edison avait, grâce aux patentes à Lucien, éclairé notre domicile. L'équipement comprenait : Une hélice en bois qui pouvait mesurer un bon quatre pieds et qu'il avait taillée lui-même dans une planche de pin sans noeud. Cette hélice mue par la force du vent actionnait un générateur d'auto qui chargeait un accumulateur (dans le temps, on disait ‹batterie»). Des deux pôles de la ‹batterie› partaient deux fils qui, parallèles comme les rails d'une voie ferrée, parcouraient toute la maison. Dans chaque pièce une lampe d'auto de 12 volts, accrochée au plafond éclairait la pièce d'une couleur jaunâtre lorsque l'on joignait les deux fils à l'aide d'un don recourbé qui, fixé près du cadrage de la porte, servait de commutateur.

Le système a fonctionné un certain temps avant les installations; de la Shawinigan Power. J'ai vu l'éclairage dans la chambre du haut de l'escalier qui était alors la chambre des ptits gars je me suis amusé avec ce commutateur, j'ai vu l'hélice tourner au-dessus du hangar et papa bretter avec le générateur.

L'éclairage fourni par la Shawinigan était certes plus brillant plus stable mais il coûtait la forte somme de une piastre par mois!
La vocation d'électricien de Lucien ne s'est pas arrêtée avec la venue des spécialistes de la Shawinigan.

Alors ce furent les moteurs qui retinrent son attention. Moteur pour banc de scie, moteur de sableuse à plancher, moteur pour pomper l'eau aux vaches, pour tourner la meule qui aiguisait les outils, et pour vriller les torsades des câbles de grand'fourche qu'il fabriquait aussi.

Je crois même qu'un moteur remplaça nos bras d'enfants aux brassées de lavage du lundi matin, avant l'arrivée d'une vraie machine à laver qu'il perfectionna aussi maintes fois.

Tous ces moteurs, venus des rebuts, étaient refilés et harnachés pour produire à la vitesse requise, l'opération désirée. Et que dire du réveille-matin à poule qui, devançant le lever du soleil devait augmenter la production. Alors les oeufs, grâce, aussi à ses inventions, étaient mirés, classés et couvés. Même les mouches étaient contrôlées par un tue-mouches électrique.
L'économie, peut-être pas la sécurité, commandait les éclairs de son génie électrique. Le prix payé? De matériaux de rebuts, quelques chocs électrique et des sursauts presque quotidiens de maman.
J'aurais bien voulu remplacer l'épingle à linge qui servait de commutateur à la lumière de la cave chez mon oncle Alcide quand ils y furent déménagés, mais c'était, trop inédit, trop marqué pour que j'ose profaner cette marque de commerce fût-ce même au nom de la sécurité.

Les tracteurs

Combien de tracteurs a-t-il montés avant la Fergusson? Il s'agissait de patentes pas ordinaires et d'une toute autre dimension que l'épingle à linge-commutateur. Pensez, un moteur Durand, raccordé, à une transmission d'une autre marque, un châssis d'auto coupé, de vieux pneus usés recouverts des roues de fer empruntées à l'ancienne batteuse et pour rendre le tout bien confortable un bon siège de Renault.

Quelle patience et quel génie il fallait pour adapter toutes ces pièces diverses, et en faire un tracteur aux performances olympiques, l'atteler à la faux du moulin à faucher, aux charrues à trois ou quatre raies, à la grand'fourche, aux herses, aux remorques, aux batteuses à grain ou à trèfle, à la scie ronde à billots !

C'était une époque. L'arrivée de la Fergusson. maquignonnée je ne sais trop comment, en a marqué une autre.
En avant de son temps, papa a remplacé les chevaux par le tracteur et, s'il avait eu plus de temps et d'argent. , chacune des opérations de la ferme aurait été par ses soins mécanisée.

Les patentes à Lucien ne venaient pas toujours avec le dernier raffinement. C'était souvent un peu l'épreuve du temps n'avait pas non plus tout éprouvé. Souvent ça brisait et le temps des ajustements et des réparations était plus long que le temps ou les efforts économisés par ses mécanisations.

Il avait cependant le don de trouver comme naturellement et du premier coup de quelle façon à fallait s'y prendre pour obtenir le résultat escompté. Il travaillait avec méthode et application et fabriquait ses propres outils. Je me souviens du poinçon qu'il avait fait pour perforer une grande taule qui devait remplacer l'une des grilles de la batteuse à trèfle. Il était fier de ses réalisations, il nous les montrait avec simplicité, comme s'il n'y avait là rien d'extraordinaire.

Lucien était né patenteux ou un patenteux inné. Je ne serais pas surpris que certains anges au ciel actionnent leurs ailes avec un moteur patenté « Lucien ».

R1.2 Tout savoir sur le cheddar

Saviez-vous que….

= L’École de laiterie de St-Hyacinthe fondée en 1892 fut la première école de laiterie de l’Amérique du Nord?

= Les écoles moyennes d’agriculture sont nées au Québec principalement suite à des demandes de l’épiscopat qui espérait par elles garder les habitants sur leur terre, contrer l’exil vers les Etats-Unis et ainsi sauvegarder vivantes leur foi et leur langue?

= Qu’un cheddar de 500 kg produit du lait de 750 vaches fut servi aux noces de reine Victoria le 10 février 1840?


= Que le plus gros cheddar connu au monde fut fait au Canada pour l’exposition de Chicago en 1893?

= Que l’industrie laitière est la plus importante production agricole au Québec?

= Que le Canada exporte plus de 4000 tonnes de fromage au Royaume uni ?

= Que la production des fromages fins est en pleine expansion au Québec?

= Que le cheddar est le fromage le plus vendu au monde?...


__________________

Les écoles d’agriculture au Québec


Voici un rapide survol de cette histoire :
On reconnaît deux classes d’écoles d’agriculture, celles créées par l’ITA rattachées aux universités de Laval et de Montréal et les Écoles Moyennes d’agriculture autorisées et subventionnées par le gouvernement du Québec.


Les écoles universitaires

La première école d’agriculture celle de Ste-Anne-de-la-Pocatière créée en 1855 par l’ITA (Institut de technologie agroalimentaire) sous la poussée de l’abbé François Pilote était rattachée à l’université LAVAL.

L’École Agricole d’Oka rattachée à la ferme-école tenue par les Pères Trappistes à compter de 1881 devint une faculté de l’université Laval à Montréal en 1908 puis l’Institut Agricole d’Oka qui pouvait décerner ses propres diplômes.

L’École de laiterie de St-Hyacinthe fut créée en 1892 aussi par l’ITA sous l’initiative de Charles Thomas Chapais qui auparavant (en 1881) avait organisé dans un entrepôt inutilisé à St-Denis une école destinée à former des beurriers et des fromagers , la première école de laiterie de l’Amérique du Nord. Les locaux ne suffisant plus un nouvel édifice fut construit en 1903 sur le territoire du séminaire de St-Hyacinthe L’École de Laiterie de St-Hyacinthe a formé la plupart des fromagers du Québec et a contribué grandement au développement de l’industrie laitière au Québec.

Les «Écoles Moyenne d’Agriculture

Le gouvernement du Québec fonda une école d’agriculture à Rimouski en 1926. C’était une école intermédiaire ou école moyenne entre les institutions supérieures universitaires et les notions d’agriculture dispensées dans certaines écoles en post enseignement élémentaire équivalant à la 7e et 8e années.

Cette première expérience à Rimouski fit sensation et de partout les évêques surtout demandaient l’ouverture de telles écoles dans leur diocèse. Coincé entre le nombre grandissant des demandes et l’exiguïté des budgets le gouvernement privilégia par la suite le modèle de section agricole dans une institution d’enseignement déjà établie notamment à l’intérieur des séminaires. C’est ainsi que virent le jour l’École Moyenne d’Agriculture de Mont-Laurier (1933) sous la demande insistante de Mgr Limoges, celle de Nicolet (1937), et finalement dans toutes les régions importantes du Québec.

Voir aux adresses suivantes d’intéressants compléments d’information quant aux écoles d’agriculture, quant à l’industrie laitière au Québec et quant à la fabrication du cheddar.

École d’agriculture
de Ste-Anne de la Pocatière
http://www.encyclobec.ca/main.php?docid=458

Écoles d’agriculture de 1930-1967
http://library.queensu.ca/ojs/index.php/edu_hse-e/article/viewFile/1149/1289

Industrie laitière http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=f1ARTf0002107

L’industrie laitière sur la côte sud
http://www.encyclobec.ca/main.php?docid=451

Le lait au Québec

http://www.lait.org/zone4/

Fabrication du cheddar

Fleuron de la tradition fromagère canadienne, le cheddar a été un des tous premiers fromages à être fabriqué au Québec après le Oka. La famille Perron a su imposer son cheddar sur les tables britanniques dès 1885. Le cheddar canadien acquit ses lettres de noblesse lors de l'exposition mondiale de 1893 à Chicago où on présenta un cheddar de 10 tonnes. James T. Law, le célèbre gourmet anglais du XIXe siècle, écrivait:

"Le cheddar de meilleure qualité a une saveur agréable et douce de noisette. Il doit être gras et moelleux, avoir une consistance ferme, une texture soyeuse, une couleur uniforme et une apparence et un fini attirants."

http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=f1ARTf0001551

http://www.provigo.ca/fr/food_guide_14768.aspx

http://www.fromagescharlevoix.com/economusee/cheddar.htm

http://www.fromagerievictoria.com/frameset_micro.html
(Site bien présenté avec photos)

mercredi 11 mars 2009

Rang St-Alexandre

Les fermes du rang St-Alexandre vers 1935

Le rang St-Alexandre est un rang double c’est-à-dire que chaque côté de la route a son cadastre de terres comportant généralement trois lots d’un arpent de largeur par 30 arpents de profondeur. Le rang s’étale en ligne droite jusqu’au rang de Châtillon qui longe la rivière Nicolet et qui fait partie de la paroisse de la Visitation.

La surface des terres est sans relief excepté une petite dénivellation au bout du rang où passe un tout petit ruisseau sans nom et trop petit même pour qu’on puisse y pêcher.

Sur chaque ferme on pratique une agriculture de subsistance renforcée par une industrie laitière artisanale.

En 1935 les fermes avaient partout la même configuration : quelques moutons, une vingtaine de poules, une truie et ses petits, un verrat pour les trois ou quatre fermes, deux ou trois chevaux de traits, de dix à vingt vaches un ou deux chiens, des souris et des rats pour nourrir les chats en place. Au printemps un certain nombre d'habitants du rang envoyaient leurs taures en pacage sur une ile du lac St-Pierre. On les marquait au fer rouge pour pouvoir les identifier et les ramener à l'automne

Pratiquement toutes les habitations érigées sur des solives de bois étaient pourvues d’une cuisine d’été, d’une cave sans fenêtre, accessible de l’intérieur par une trappe et de l’extérieur par une basse porte de bois. La cave logeait un caveau à légumes à plusieurs compartiments et une citerne qui recueillait l’eau de pluie. Trois puits fournissaient l’eau à la maison, aux animaux et à la « laiterie » pour la conservation du lait la nuit. Les bâtiments tous détachés de la maison comportaient un hangar, un poulailler, une porcherie qu’on appelait « soue » une étable et des granges à foin.,

Chaque habitation hébergeait une famille inter-génération d’une dizaine d’enfants. La « petite école » située au centre recevait bon an mal an une
quarantaine d’élèves répartis en deux divisions, les grands qui allaient de la 4e à la huitième année et les petits de la préparatoire jusqu’à la fin de la troisième.

Voici, venant du village après avoir pris les deux virages à 90 de la grande équerre, quelle était la disposition des terres dans le rang vers 1935.



Ci-dessous la photo aérienne du rang et la liste des cultivateurs qui l'occupaient en 1985 tel que publié dans l'album du 150e anniversaire de St-Zéphirin-de-Courval





Voici une image tirée de Google montrant le rang St-Alexandre









mardi 10 mars 2009

R1.1.1 Rang St-Alexandre

Les fermes du rang St-Alexandre vers 1935

Le rang St-Alexandre est un rang double c’est-à-dire que chaque côté de la route a son cadastre de terres comportant généralement trois lots d’un arpent de largeur par 30 arpents de profondeur. Le rang s’étale en ligne droite jusqu’au rang de Châtillon qui longe la rivière Nicolet et qui fait partie de la paroisse de la Visitation.

La surface des terres est sans relief excepté une petite dénivellation au bout du rang où passe un tout petit ruisseau sans nom et trop petit même pour qu’on puisse y pêcher.

Sur chaque ferme on pratique une agriculture de subsistance renforcée par une industrie laitière artisanale.

En 1935 les fermes avaient partout la même configuration : quelques moutons, une vingtaine de poules, une truie et ses petits, un verrat pour les trois ou quatre fermes, deux ou trois chevaux de traits, de dix à vingt vaches un ou deux chiens, des souris et des rats pour nourrir les chats en place. Au printemps un certain nombre d'habitants du rang envooyaient leurs taures en pacage sur une ile du lac St-Pierre. On les marquait au fer rouge pour puvoirl es identifier et les ramener à l'automne

Pratiquement toutes les habitations érigées sur des solives de bois étaient pourvues d’une cuisine d’été, d’une cave sans fenêtre, accessible de l’intérieur par une trappe et de l’extérieur par une basse porte de bois. La cave logeait un caveau à légumes à plusieurs compartiments et une citerne qui recueillait l’eau de pluie. Trois puits fournissaient l’eau à la maison, aux animaux et à la « laiterie » pour la conservation du lait la nuit. Les bâtiments tous détachés de la maison comportaient un hangar, un poulailler, une porcherie qu’on appelait « soue » une étable et des granges à foin.,

Chaque habitation hébergeait une famille inter-génération d’une dizaine d’enfants. La « petite école » située au centre recevait bon an mal an une
quarantaine d’élèves répartis en deux divisions, les grands qui allaient de la 4e à la huitième année et les petits de la préparatoire jusqu’à la fin de la troisième.

Voici, venant du village après avoir pris les deux virages à 90 de la grande équerre, quelle était la disposition des terres dans le rang.

R 1.11 Agriculture de subsistance et industrie laitière

Au Québec

À cette époque, en 1935, on pratiquait encore dans cette région des cantons de l’est une agriculture de subsistance.

Chaque habitant produisait sa laine, son blé, et toute la nourriture nécessaire pour hiverner convenablement sa famille et les animaux de la ferme.

À l’automne on tuait le bœuf (souvent une vieille vache) et un cochon dont les morceaux de viande étaient conservés dans le sel ou logés dans une vieille « canisse » à lait qui était enfouie dans un carré de grains pour les protéger des dégels et des prédateurs.

Les poules pondraient tout l’hiver jusqu’à ce qu’elles terminent leur carrière dans le pot-au-feu. À l’automne on mettait en conserves ou dans le vinaigre l’abondante production du potager.

À cette époque le tambour entre la première et la deuxième grange était aménagé en bergerie et je me souviens , médusé d’avoir assisté au printemps à la tonte des quelques moutons qu’elle abritait.

Tous les travaux de la ferme étaient faits à l’huile de bras ou aidés de la traction animale. J’ai vu de mes yeux opérer un « hospor » (pour horse power ) actionné par un cheval qui marchait sans route et sans fin sur un plan incliné.

Un bon nombre d’instruments aratoires était de fabrication artisanale, voire même domestique.

J’ai actionné le soufflet de la forge familiale située dans le hangar de l’oncle Alcide. On y forgeait ou réparait à peu près tout ce dont on avait besoin sur la ferme. Une partie de cette forge logeait aussi un atelier de menuiserie qui assurait avec le bois le même service que la forge avec le fer.

Cependant en parallèle, l’agriculture-industrie était déjà présente et connaissait un rapide développement.
J’ai vu sur la ferme un des premiers tracteurs à vapeur, monstre de fer que mon grand-père avait acheté à gros prix. Il ne fera pas long feu, Sa masse et ses grandes roues de fer étaient peu adaptées au sol argileux de la région. Quelques années plus tard il sera remplacé par un tracteur à essence, de fabrication domestique roulant sur pneumatique. Une patente signée Lucien et Jean-Baptiste.

J’ai toujours été fasciné par le tourniquet en moulin à vent de la lieuse qui courbait les tiges d’avoine pour mieux les couper. Et que dire de cette girafe du chargeur qui précéda la presse à foin et du vieux râteau rouillé à dents de fer dont le maniement difficile a stressé longtemps mes capacités de jeune habitant à tout faire? Ces instruments et le moulin à faucher étaient de fabrication industrielle. Il fallait payer en argent liquide pour se les procurer.

Heureusement, l’industrie laitière, présente et en progrès depuis l850 environ était, c’est le cas de le dire, la vache à lait qui donnait chaque semaine de la haute saison ses dividendes en argent liquide. Chaque dimanche après la grand-messe j’allais au bout du rang St-Pierre chercher la petite enveloppe-crème qui contenait la paye du lait mené pendant la semaine à la fromagerie du rang St-Alexandre.
Cette coexistence chez nous de l’agriculture de subsistance accrochée à ses habitudes et ses traditions avec l’industrialisation agricole en progrès ne s’agençait pas sans grincement.

Malgré une attitude de base fondamentalement ouverte au progrès et aux changements il y avait dans le monde de mon enfance un va-de-soi qui marquait comme au coin de l’absolu beaucoup de pratiques et d’activités que les saisons ramenaient sans questionnement.

Il fallait semer des patates même si elles pourrissaient dans la terre glaise et nourrir des chevaux même après que les motorisés les eurent rendus inutiles. On filait la laine et on pétrissait son pain avec beaucoup d’énergie même si les produits manufacturés étaient de plus en plus accessibles et à bas prix.

Pour arrêter les sauterelles ou assurer de bonnes récoltes on consacrait du temps en prières et en processions même si l’on commençait à vanter les vertus des pesticides et de l’engrais chimique.

J’ai entendu ma tante en parlant des habitants du rang qui se rendaient à la grand’messe en auto, dire qu’ils étaient des « faiseux de poussière pas payée ».

Mon père a nourri les commérages à scandale pendant quelques dimanches lorsqu’un printemps il décida de ne plus planter de patates. Il en fut de même quand il vendit son dernier cheval efficacement remplacé par un tracteur « qu’on n’avait plus besoin de soigner ». Allez compter les habitants du rang St-Alexandre qui aujourd’hui élèvent encore des chevaux sur leur ferme! Le cheval, un luxe de ville pour touristes!

Cependant, chevauchant en parallèle sur cette voie des traditions qui nous ramenaient dans le passé, il y avait l’éclatement des nouveautés qui fascinaient et qui racolaient les plus audacieux. Je vis encore de l’émerveillement collectif devant la magie de l’électricité installée chez nous quand j’avais à peu près dix ans. Un avion dans le ciel commandait un arrêt du temps, un petit radio à cristal rassemblait les voisins à l’écoute de l’émission « Le curé du village ». La poussière d’une automobile qui passait sur la route nourrissait les commérages pendant de longs jours.

Les questionnements que suscitaient ces deux mondes en cohabitation et en compétition ont nourri, c’est sûr, mon imaginaire, mais ont aussi imprimé à ma vie une allure et comme une aimantation qui m’a toujours servi de boussole.

Mon premier petit banc de traite des vaches, venu du fond des âges, allait être remplacé bientôt par le siège d’un tricycle, le volant d’une auto ou les ailes d’un avion. Dans la même veine, l’ardoise, les craies et les crayons de bois céderont place au clavier sur lequel j’écris présentement.

Mon petit banc à trois pattes sera placé tout en haut du temple de la renommée de mes souvenirs. Il y demeurera tout mignon et chargé de sens car il a marqué mes premiers pas dans la vie consciente. L’évolution peut avoir ses temps forts et ses temps d’arrêt. Cependant, en tout temps la destinée humaine se réalise par le changement. C’est ce que mon petit banc à trois pattes m’a confié à l’aube de mon enfance.


Florian

Un clic vous amènera en tour guidé dans le -rang St-Alexandre version 1935.

dimanche 8 mars 2009

Ferme Hormisdas






Pour agrandir cliquer sur le plan.
















Étable et granges
















Hangars et poulailler














Mainson rez-de chaussée














Maison étage




5.1 Visite guidée maison Hormisdas

5-1 Visite guidée de la Maison Hormidas
Notre maison comprenait huit pièces.
Premier plancher
La grand-cuisine avec sa grande table de bois aux pattes de pin tournées, munie de panneaux pour la visite, occupait la plus grande partie du premier plancher.
Le poêle à bois à quatre ronds et à plaque chauffante pour les galettes était surmonté d’un réchaud et prolongé par une bouilloire encastrée nommée « bôileur ». Ce poêle était fixé à une certaine distance du mur pour permettre à la cheminée de réchauffer la pièce et de monter répandre sa chaleur au deuxième plancher. À l’arrière du poêle on empilait pêle-mêle les mitaines, les chaussons et les bottes ou claques mouillées. Cet espace servait aussi de boudoir pour les enfants qui avaient des secrets à se chuchoter et de cachette pour les jeux de cache-cache.

Le « sing » (pour sink – évier ) était situé à droite de la porte d’entrée. Il était muni de deux pompes à bras, l’une tirait son eau dure bonne pour la consommation du puits creusé devant la maison, l’autre la tirait de la citerne qui, dans la cave, recueillait l’eau de pluie utilisée pour le lavage.

Sur l’évier il y avait un grand bol à mains qui recueillait l’eau salie, que l’on vidait dans un entonnoir de taule galvanisée qui égouttait directement dans le puisard creusé à l’arrière de la maison. Il y avait aussi en permanence une brosse aux poils raides et un savon du pays fabriqué par grand-père chaque fois que l’on faisait boucherie, dans la grande bouilloire du hangar.

Au mur de l’évier sur un rouleau en bois on pendait une large serviette de lin rugueux qu’on changeait une fois la semaine.

De l’autre côté de la fenêtre, majestueux avec son retable, trônait le « sideboat » (pour « side board » armoire), meuble lourd, non fixé au mur où l’on rangeait la vaisselle des jours de fête et tous les trésors de la famille. Ce meuble servait à la fois de coffre-fort (toujours ouvert) de secrétaire, de tire-lire pour les économies des enfants, de vaisselier et de fourre-tout.

Au fond de la cuisine, fermé de grandes portes, mystérieux, le salon conservait sur ses causeuses de velours rouge, les secrets et les chuchotements des amoureux.

Je n’ai vu cette pièce occupée que lors des fréquentations. Alors le chaperon qui était peupére pour ses filles s’assoyait en retrait devant l’armoire à remèdes située sous l’escalier. Je l’ai vu y dormir de bons sommes. Plus tard, quand ce fut le tour de papa de surveiller ses filles on m’a dit qu’ennuyé par cette fonction il prenait de longues pauses en plaçant ses bottes bien en vue juste dans le bon angle pour laisser croire qu’il était encore là.
Les deux chambres situées au premier plancher ont dû voir naître les quatre derniers enfants d’Hormidas, les premiers étant nés avant 1905 dans la première maison qui à notre époque servait de hangar. La plupart des quinze enfants accouchés par ma mère ont dû voir le jour dans cette chambre. Le lit de la chambre qui ouvrait sur la cuisine a servi de porte-manteaux pour la visite. Plusieurs de mes cousins ou cousines s’y sont endormis en attendant le départ tardif de leurs parents.

Juste face à cette chambre, à côté du poêle, sous la chaise berçante de « peupére » une trappe permettait l’accès à la cave. La trappe levée on y descend par un escalier-échelle. Au pied de l’escalier une plateforme qui chaque hiver recevait un baril de pommes qui tiendront le temps jusqu’à Pâques. Aussi, un carré à patates qu’il fallait souvent dégermer. Puis, la grande citerne tout en ciment qui recueillait l’eau de pluie car l’eau du puits était trop dure pour le lavage.

Plus tard, pour combattre la rigueur des hivers de ce nid exposé aux grands vents, mon père y ajouta une « truie » fournaise faite de deux barils superposés que l’on chargeait d’érable par les temps les plus froids. Des trous aménagés dans le plancher permettaient à l’air chaud de circuler et de compenser pour les somnolences du poêle de cuisine la nuit. On n’avait pas en ces temps les nêmes normes de sécurité qu'aujourd’hui.

L’autre chambre à droite de l’escalier gardait les cannages en réserve, les bouteilles de sirop d’érable, les pains de sucre et quelques bouteilles de vin de betterave qu’il m’est arrivé de goûter en cachette.

Puis pour en finir au premier plancher, au pied de l’escalier une espèce de tambour qui a servi de vestiaire pour les habits de travail et de toilette réfrigérée pour l’hiver. Cette pièce a été transformée à plusieurs reprises au gré des besoins, des caprices et des modes.

Montons au deuxième.
L’escalier n’avait qu’un tout petit bout de rampe. Rien pour encourager les glissades d’enfants à califourchon. Il aboutissait sur un corridor qui séparait quatre chambres, deux de chaque côté. Au bout de l’escalier une porte ouvrait sur le balcon-lucarne de façade. À côté de cette porte, face à l’escalier, on avait installé comme dans un garde-robe fermé une toilette-chaudière utilisée surout l'hiver et pour les urgences. Le job honni était la vidange de cette chaudière.

Juste au bout de l’escalier à gauche, c’était notre chambre, la chambre des ptits gars. En face, la chambre à « peupére » dont un des murs était muni de grandes armoires au-dessus desquelles passait le long tuyau de poêle qui traversait la pièce en la réchauffant avant de rejoindre la cheminée.
J’ai souvent vu ce tuyau rouge comme des tisons et que l’on refroidissait en jetant dans le poêle chargé de buches d’érable du gros sel qui pétillait et calmait les flammes. Pour nous enfants, quand nos parents étaient absents, c’était un spectacle qui commandait beaucoup de va-et-vient dans du premier au deuxième. Notre innocence ne mesurait pas les dangers. Il y avait en ces temps une Providence pour les innocents.
La chambre des filles était contiguë à la nôtre. Quand il y avait de la visite, c’était le rendez-vous des cousines et aussi des cousins.
La chambre d’en face, contiguë à celle de grand-père était éclairée par une lucarne. Elle ouvrait sur le grenier situé au-dessus du fournil. Cette chambre connut divers locataires. Probablement que Clément y est né. Pendant l’été, le grenier non isolé logeait les petits gars sur une paillasse de paille posée sur le plancher. Cette pièce non isolée aux chevrons mal équarris et brunis par le temps vibre encore des tiraillages des petits gars. C’était aussi mon refuge pour lire et dormir tranquille pendant que les autres tapageaient dehors.
Le corridor qui séparait les chambres était décoré de quatorze petites images de couleur couvertes de vitre qui représentaient les quatorze stations du chemin de la croix. Je me souviens d’y avoir fait, un vendredi-saint en grande dévotion toute la famille à genoux, le chemin de la croix en commémoraison de la mort de notre Sauveur. On n’avait pu se rendre à l’église car le printemps avait défoncé les routes les rendant impraticables.
Accolé à la grande maison un peu décalé, il y avait le fournil qui servait de cuisine d’été.
Cette cuisine avait tout le nécessaire pour la préparaton des repas: la dépense avec la glacière, son évier, la table adossée au mur et ses deux bancs. Accrochée à ce mur dominait la grande croix noire de la tempérance devant laquelle tous les soirs, la famille à genoux récitait le chapelet.
En plein centre de la pièce une trappe ouvrait sur la cave. Cette cave, dont le solage était bien renchaussée gardait les aliments au frais.
Au fond, près du poêle, un escalier montait au grenier que nous avons déjà visité.

Visite des bâtiments. Voir le plan de la maison et de la ferme Hormisdas
D’abord l’ensemble « shed » à bois, hangar et poulailler. On cordait dans la « shed » la quantité de bois de chauffage requise pour l’année. On y remisait aussi sur deux étages les carrioles qu’on appelait communément « sleighs » d’hiver. Et au fond il y avait une petite pièce utilitaire très fréquentée qu’on appelait « bécosses ».

Le hangar multifonctions, abritait un poêle (truie) surmonté d’un immense bol dans lequel grand-père fabriquait le savon d’habitant. Au fond un rustique établi servait aux petites réparations. Il y avait un deuxième divisé en carrés à grain dans lesquels on enfouissait de vieilles canisses de métal qu’on remplissait des dépeçages congelés de la boucherie qu’on avait faite à l’automne. Le hangar ouvrait sur le poulailler, résidence du coq qui servait une vingtaine de poules.

L’étable et la grange formaient le deuxième complexe de bâtiments. L’étable logeait les chevaux qui avaient la place d’honneur, un nombre de vaches correspondant au nombre d’occupants de la maison, une truie et une dizaine de cochons.

La grange était formée par une tasserie au-dessus de l’étable le foin servant d’isolant, et de trois tasseries doubles qui engrangeaient le foin, la paille et le trèfle servant à l’alimentation des vaches. Un tambour, lieu de nos premières glissades en ski, séparait la première grange de la deuxième. C’était la bergerie transformée plus tard en porcherie.

Dans le champ qui voisinait le verger, près de la décharge il y avait aussi la « shed » à machines remise des gros instruments aratoires, lieuse-batteuse, moulin à faucher, charrues, et même le rouleau à neige.

Oh! choses de mon pays, vous avez donc une âme, dirait Albert Lozeau

jeudi 5 mars 2009

Bloopers des 80 ans

Voici quelques bloopers lors de la préparation de la carte de Joyeux anniversaire à Florian.

3 dans 1




Gisèle venait de demander à Paul-Émile de sourire en te présentant ses voeux...

dimanche 1 mars 2009

Responsables

Mémoires à l'ultraviolet

Auteur : Florian Jutras
Correction : Eddy Nault et Lionel Pelchat
Conseiller blogueur : Jacques Ducharme et Jean Trudeau
Recherche : Maurice Nadeau
Webmestre : Clément Jutras