5-1 Visite guidée de la Maison Hormidas
Notre maison comprenait huit pièces.
Premier plancher
La grand-cuisine avec sa grande table de bois aux pattes de pin tournées, munie de panneaux pour la visite, occupait la plus grande partie du premier plancher.
Le poêle à bois à quatre ronds et à plaque chauffante pour les galettes était surmonté d’un réchaud et prolongé par une bouilloire encastrée nommée « bôileur ». Ce poêle était fixé à une certaine distance du mur pour permettre à la cheminée de réchauffer la pièce et de monter répandre sa chaleur au deuxième plancher. À l’arrière du poêle on empilait pêle-mêle les mitaines, les chaussons et les bottes ou claques mouillées. Cet espace servait aussi de boudoir pour les enfants qui avaient des secrets à se chuchoter et de cachette pour les jeux de cache-cache.
Le « sing » (pour sink – évier ) était situé à droite de la porte d’entrée. Il était muni de deux pompes à bras, l’une tirait son eau dure bonne pour la consommation du puits creusé devant la maison, l’autre la tirait de la citerne qui, dans la cave, recueillait l’eau de pluie utilisée pour le lavage.
Sur l’évier il y avait un grand bol à mains qui recueillait l’eau salie, que l’on vidait dans un entonnoir de taule galvanisée qui égouttait directement dans le puisard creusé à l’arrière de la maison. Il y avait aussi en permanence une brosse aux poils raides et un savon du pays fabriqué par grand-père chaque fois que l’on faisait boucherie, dans la grande bouilloire du hangar.
Au mur de l’évier sur un rouleau en bois on pendait une large serviette de lin rugueux qu’on changeait une fois la semaine.
De l’autre côté de la fenêtre, majestueux avec son retable, trônait le « sideboat » (pour « side board » armoire), meuble lourd, non fixé au mur où l’on rangeait la vaisselle des jours de fête et tous les trésors de la famille. Ce meuble servait à la fois de coffre-fort (toujours ouvert) de secrétaire, de tire-lire pour les économies des enfants, de vaisselier et de fourre-tout.
Au fond de la cuisine, fermé de grandes portes, mystérieux, le salon conservait sur ses causeuses de velours rouge, les secrets et les chuchotements des amoureux.
Je n’ai vu cette pièce occupée que lors des fréquentations. Alors le chaperon qui était peupére pour ses filles s’assoyait en retrait devant l’armoire à remèdes située sous l’escalier. Je l’ai vu y dormir de bons sommes. Plus tard, quand ce fut le tour de papa de surveiller ses filles on m’a dit qu’ennuyé par cette fonction il prenait de longues pauses en plaçant ses bottes bien en vue juste dans le bon angle pour laisser croire qu’il était encore là.
Les deux chambres situées au premier plancher ont dû voir naître les quatre derniers enfants d’Hormidas, les premiers étant nés avant 1905 dans la première maison qui à notre époque servait de hangar. La plupart des quinze enfants accouchés par ma mère ont dû voir le jour dans cette chambre. Le lit de la chambre qui ouvrait sur la cuisine a servi de porte-manteaux pour la visite. Plusieurs de mes cousins ou cousines s’y sont endormis en attendant le départ tardif de leurs parents.
Juste face à cette chambre, à côté du poêle, sous la chaise berçante de « peupére » une trappe permettait l’accès à la cave. La trappe levée on y descend par un escalier-échelle. Au pied de l’escalier une plateforme qui chaque hiver recevait un baril de pommes qui tiendront le temps jusqu’à Pâques. Aussi, un carré à patates qu’il fallait souvent dégermer. Puis, la grande citerne tout en ciment qui recueillait l’eau de pluie car l’eau du puits était trop dure pour le lavage.
Plus tard, pour combattre la rigueur des hivers de ce nid exposé aux grands vents, mon père y ajouta une « truie » fournaise faite de deux barils superposés que l’on chargeait d’érable par les temps les plus froids. Des trous aménagés dans le plancher permettaient à l’air chaud de circuler et de compenser pour les somnolences du poêle de cuisine la nuit. On n’avait pas en ces temps les nêmes normes de sécurité qu'aujourd’hui.
L’autre chambre à droite de l’escalier gardait les cannages en réserve, les bouteilles de sirop d’érable, les pains de sucre et quelques bouteilles de vin de betterave qu’il m’est arrivé de goûter en cachette.
Puis pour en finir au premier plancher, au pied de l’escalier une espèce de tambour qui a servi de vestiaire pour les habits de travail et de toilette réfrigérée pour l’hiver. Cette pièce a été transformée à plusieurs reprises au gré des besoins, des caprices et des modes.
Montons au deuxième.
L’escalier n’avait qu’un tout petit bout de rampe. Rien pour encourager les glissades d’enfants à califourchon. Il aboutissait sur un corridor qui séparait quatre chambres, deux de chaque côté. Au bout de l’escalier une porte ouvrait sur le balcon-lucarne de façade. À côté de cette porte, face à l’escalier, on avait installé comme dans un garde-robe fermé une toilette-chaudière utilisée surout l'hiver et pour les urgences. Le job honni était la vidange de cette chaudière.
Notre maison comprenait huit pièces.
Premier plancher
La grand-cuisine avec sa grande table de bois aux pattes de pin tournées, munie de panneaux pour la visite, occupait la plus grande partie du premier plancher.
Le poêle à bois à quatre ronds et à plaque chauffante pour les galettes était surmonté d’un réchaud et prolongé par une bouilloire encastrée nommée « bôileur ». Ce poêle était fixé à une certaine distance du mur pour permettre à la cheminée de réchauffer la pièce et de monter répandre sa chaleur au deuxième plancher. À l’arrière du poêle on empilait pêle-mêle les mitaines, les chaussons et les bottes ou claques mouillées. Cet espace servait aussi de boudoir pour les enfants qui avaient des secrets à se chuchoter et de cachette pour les jeux de cache-cache.
Le « sing » (pour sink – évier ) était situé à droite de la porte d’entrée. Il était muni de deux pompes à bras, l’une tirait son eau dure bonne pour la consommation du puits creusé devant la maison, l’autre la tirait de la citerne qui, dans la cave, recueillait l’eau de pluie utilisée pour le lavage.
Sur l’évier il y avait un grand bol à mains qui recueillait l’eau salie, que l’on vidait dans un entonnoir de taule galvanisée qui égouttait directement dans le puisard creusé à l’arrière de la maison. Il y avait aussi en permanence une brosse aux poils raides et un savon du pays fabriqué par grand-père chaque fois que l’on faisait boucherie, dans la grande bouilloire du hangar.
Au mur de l’évier sur un rouleau en bois on pendait une large serviette de lin rugueux qu’on changeait une fois la semaine.
De l’autre côté de la fenêtre, majestueux avec son retable, trônait le « sideboat » (pour « side board » armoire), meuble lourd, non fixé au mur où l’on rangeait la vaisselle des jours de fête et tous les trésors de la famille. Ce meuble servait à la fois de coffre-fort (toujours ouvert) de secrétaire, de tire-lire pour les économies des enfants, de vaisselier et de fourre-tout.
Au fond de la cuisine, fermé de grandes portes, mystérieux, le salon conservait sur ses causeuses de velours rouge, les secrets et les chuchotements des amoureux.
Je n’ai vu cette pièce occupée que lors des fréquentations. Alors le chaperon qui était peupére pour ses filles s’assoyait en retrait devant l’armoire à remèdes située sous l’escalier. Je l’ai vu y dormir de bons sommes. Plus tard, quand ce fut le tour de papa de surveiller ses filles on m’a dit qu’ennuyé par cette fonction il prenait de longues pauses en plaçant ses bottes bien en vue juste dans le bon angle pour laisser croire qu’il était encore là.
Les deux chambres situées au premier plancher ont dû voir naître les quatre derniers enfants d’Hormidas, les premiers étant nés avant 1905 dans la première maison qui à notre époque servait de hangar. La plupart des quinze enfants accouchés par ma mère ont dû voir le jour dans cette chambre. Le lit de la chambre qui ouvrait sur la cuisine a servi de porte-manteaux pour la visite. Plusieurs de mes cousins ou cousines s’y sont endormis en attendant le départ tardif de leurs parents.
Juste face à cette chambre, à côté du poêle, sous la chaise berçante de « peupére » une trappe permettait l’accès à la cave. La trappe levée on y descend par un escalier-échelle. Au pied de l’escalier une plateforme qui chaque hiver recevait un baril de pommes qui tiendront le temps jusqu’à Pâques. Aussi, un carré à patates qu’il fallait souvent dégermer. Puis, la grande citerne tout en ciment qui recueillait l’eau de pluie car l’eau du puits était trop dure pour le lavage.
Plus tard, pour combattre la rigueur des hivers de ce nid exposé aux grands vents, mon père y ajouta une « truie » fournaise faite de deux barils superposés que l’on chargeait d’érable par les temps les plus froids. Des trous aménagés dans le plancher permettaient à l’air chaud de circuler et de compenser pour les somnolences du poêle de cuisine la nuit. On n’avait pas en ces temps les nêmes normes de sécurité qu'aujourd’hui.
L’autre chambre à droite de l’escalier gardait les cannages en réserve, les bouteilles de sirop d’érable, les pains de sucre et quelques bouteilles de vin de betterave qu’il m’est arrivé de goûter en cachette.
Puis pour en finir au premier plancher, au pied de l’escalier une espèce de tambour qui a servi de vestiaire pour les habits de travail et de toilette réfrigérée pour l’hiver. Cette pièce a été transformée à plusieurs reprises au gré des besoins, des caprices et des modes.
Montons au deuxième.
L’escalier n’avait qu’un tout petit bout de rampe. Rien pour encourager les glissades d’enfants à califourchon. Il aboutissait sur un corridor qui séparait quatre chambres, deux de chaque côté. Au bout de l’escalier une porte ouvrait sur le balcon-lucarne de façade. À côté de cette porte, face à l’escalier, on avait installé comme dans un garde-robe fermé une toilette-chaudière utilisée surout l'hiver et pour les urgences. Le job honni était la vidange de cette chaudière.
Juste au bout de l’escalier à gauche, c’était notre chambre, la chambre des ptits gars. En face, la chambre à « peupére » dont un des murs était muni de grandes armoires au-dessus desquelles passait le long tuyau de poêle qui traversait la pièce en la réchauffant avant de rejoindre la cheminée.
J’ai souvent vu ce tuyau rouge comme des tisons et que l’on refroidissait en jetant dans le poêle chargé de buches d’érable du gros sel qui pétillait et calmait les flammes. Pour nous enfants, quand nos parents étaient absents, c’était un spectacle qui commandait beaucoup de va-et-vient dans du premier au deuxième. Notre innocence ne mesurait pas les dangers. Il y avait en ces temps une Providence pour les innocents.
La chambre des filles était contiguë à la nôtre. Quand il y avait de la visite, c’était le rendez-vous des cousines et aussi des cousins.
La chambre d’en face, contiguë à celle de grand-père était éclairée par une lucarne. Elle ouvrait sur le grenier situé au-dessus du fournil. Cette chambre connut divers locataires. Probablement que Clément y est né. Pendant l’été, le grenier non isolé logeait les petits gars sur une paillasse de paille posée sur le plancher. Cette pièce non isolée aux chevrons mal équarris et brunis par le temps vibre encore des tiraillages des petits gars. C’était aussi mon refuge pour lire et dormir tranquille pendant que les autres tapageaient dehors.
Le corridor qui séparait les chambres était décoré de quatorze petites images de couleur couvertes de vitre qui représentaient les quatorze stations du chemin de la croix. Je me souviens d’y avoir fait, un vendredi-saint en grande dévotion toute la famille à genoux, le chemin de la croix en commémoraison de la mort de notre Sauveur. On n’avait pu se rendre à l’église car le printemps avait défoncé les routes les rendant impraticables.
Accolé à la grande maison un peu décalé, il y avait le fournil qui servait de cuisine d’été.
Cette cuisine avait tout le nécessaire pour la préparaton des repas: la dépense avec la glacière, son évier, la table adossée au mur et ses deux bancs. Accrochée à ce mur dominait la grande croix noire de la tempérance devant laquelle tous les soirs, la famille à genoux récitait le chapelet.
En plein centre de la pièce une trappe ouvrait sur la cave. Cette cave, dont le solage était bien renchaussée gardait les aliments au frais.
Au fond, près du poêle, un escalier montait au grenier que nous avons déjà visité.
Visite des bâtiments. Voir le plan de la maison et de la ferme Hormisdas
D’abord l’ensemble « shed » à bois, hangar et poulailler. On cordait dans la « shed » la quantité de bois de chauffage requise pour l’année. On y remisait aussi sur deux étages les carrioles qu’on appelait communément « sleighs » d’hiver. Et au fond il y avait une petite pièce utilitaire très fréquentée qu’on appelait « bécosses ».
Le hangar multifonctions, abritait un poêle (truie) surmonté d’un immense bol dans lequel grand-père fabriquait le savon d’habitant. Au fond un rustique établi servait aux petites réparations. Il y avait un deuxième divisé en carrés à grain dans lesquels on enfouissait de vieilles canisses de métal qu’on remplissait des dépeçages congelés de la boucherie qu’on avait faite à l’automne. Le hangar ouvrait sur le poulailler, résidence du coq qui servait une vingtaine de poules.
L’étable et la grange formaient le deuxième complexe de bâtiments. L’étable logeait les chevaux qui avaient la place d’honneur, un nombre de vaches correspondant au nombre d’occupants de la maison, une truie et une dizaine de cochons.
La grange était formée par une tasserie au-dessus de l’étable le foin servant d’isolant, et de trois tasseries doubles qui engrangeaient le foin, la paille et le trèfle servant à l’alimentation des vaches. Un tambour, lieu de nos premières glissades en ski, séparait la première grange de la deuxième. C’était la bergerie transformée plus tard en porcherie.
Dans le champ qui voisinait le verger, près de la décharge il y avait aussi la « shed » à machines remise des gros instruments aratoires, lieuse-batteuse, moulin à faucher, charrues, et même le rouleau à neige.
Oh! choses de mon pays, vous avez donc une âme, dirait Albert Lozeau
Le hangar multifonctions, abritait un poêle (truie) surmonté d’un immense bol dans lequel grand-père fabriquait le savon d’habitant. Au fond un rustique établi servait aux petites réparations. Il y avait un deuxième divisé en carrés à grain dans lesquels on enfouissait de vieilles canisses de métal qu’on remplissait des dépeçages congelés de la boucherie qu’on avait faite à l’automne. Le hangar ouvrait sur le poulailler, résidence du coq qui servait une vingtaine de poules.
L’étable et la grange formaient le deuxième complexe de bâtiments. L’étable logeait les chevaux qui avaient la place d’honneur, un nombre de vaches correspondant au nombre d’occupants de la maison, une truie et une dizaine de cochons.
La grange était formée par une tasserie au-dessus de l’étable le foin servant d’isolant, et de trois tasseries doubles qui engrangeaient le foin, la paille et le trèfle servant à l’alimentation des vaches. Un tambour, lieu de nos premières glissades en ski, séparait la première grange de la deuxième. C’était la bergerie transformée plus tard en porcherie.
Dans le champ qui voisinait le verger, près de la décharge il y avait aussi la « shed » à machines remise des gros instruments aratoires, lieuse-batteuse, moulin à faucher, charrues, et même le rouleau à neige.
Oh! choses de mon pays, vous avez donc une âme, dirait Albert Lozeau
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