Renvois et références reliés aux textes mémoires de Florian Jutras

lundi 8 juin 2009

Les écoles du rang (1)

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Tiré de : Saint-Zéphirin de Courval - Ses origines – Son histoire
Bibliothèque nationale du Canada 1985


L'école de rang qui est en fait "la seule institution communautaire du rang »(1), établit les bases du système éducatif au Québec. Ayant une idéologie dirigée sur la religion, l'agriculture ainsi que sur la famille, elle amène un changement dans la mentalité des gens. "L'école de rang laisse entrevoir l'instruction comme une nécessité collective indispensable à l'évolution d'un peuple'(2).

Puisque le rang cumule une fonction plus importante qu'un simple chemin le long duquel se sont établis des gens, il faut donc le considérer comme étant l'unité de base du développement de la société rurale québécoise. Dans cette optique, "le rang constitue en soi une cellule paroissiale, un noyau de vie auquel se lie chaque habitant lors de manifestations plus ou moins heureuses (corvée, prière à la croix de chemin, etc.) qui renforcent les liens de cette microsociété'(3). Ceci a pour effet de susciter quelques anicroches. L'une des premières manifestations, face à la mentalité de l'époque vis-à-vis de l'école du rang, est le choix de l'emplacement de la dite école. Même si un règlement du Département de l'Instruction spécifie que l'emplacement de l'école doit être situé au milieu du rang, ceci amena quelques petites querelles. Le 2 janvier 1896, une requête est faite par Nestor Dionne et autres, alléguant que l'école N° 9 du rang St-Pierre est située à trois arpents du centre de l'arrondissement. Le 10 janvier, Anthime Benoît écrit aux Commissaires qu'il est faux de dire que l'école est à trois arpents du centre de cet arrondissement. Les Commissaires décident donc que l'école ne sera pas changée de place, mais agrandie. M. Dionne et les autres, voulant que justice soit faite, portent la cause devant le tribunal de St-Hyacinthe, où les Commissaires sont convoqués pour le 9 juin 1896. Vu que les paroisses du Québec sont de forme allongée, on retrouve une multiplication des emplacements pour les écoles de rang, ce qui fait que l'on peut en trouver plus d'une dans le même rang.

Comme St-Zéphirin ne déroge pas à la règle en ce qui a trait à la forme allongée de son territoire, nous retrouvons donc dix écoles de rang. Ces dites écoles sont situées comme suit: deux écoles dans le rang St-François, soit une dans le Bas et l'autre, dans le Haut. Le rang Ste-Geneviève n'en compte qu'une seule, tout comme le rang St-Alexandre. De son côté, le rang St-Pierre en possède quatre, soit dans le Bas et le Haut St-Pierre ; une centrale et l’autre dans le village. Par contre, le rang St-Michel en a deux aussi. (4)

Autant que pour le choix de l'emplacement, le Département del'Instruction publique incite les commissaires et les syndics d'écoles àvoir à ce que la localisation de l'école soit faite sur "un terrain sec et élevé pourvu d'eau de bonne qualité'(5) et on continue en vantant les bienfaits d'un environnement calme où il n'y a aucun risque pour la santé et la morale des enfants. Un autre facteur qui peut influencer la localisation de l'école est la topographie. L'on construit donc l'école sur la partie la plus élevée du terrain pour éloigner l'eau des fondations.

Un autre point sur lequel on doit se pencher est sans aucun doute la question des salaires et des conditions de travail. En 1873, l'institutrice de l'école N° 1, reçoit un salaire de $100,00 par année plus l'octroi alloué par le gouvernement pour l'école modèle. De leur côté, les titulaires des écoles N° 3-4-6-8-9 sont payés $80.00, celui de l'école N° 10 perçoit la somme de $72.00 et le professeur de l'école N°7 reçoit $68.00. Avec ce salaire, l'institutrice doit payer le bois nécessaire au chauffage de l'école. Vers 1900, une institutrice reçoit en moyenne $105.00 par année, tandis qu'un instituteur reçoit, pour sa part, environ $220.00 par an. Cette disparité dans les revenus permet aux commissions scolaires de voir à l'embauche d'un personnel majoritairement féminin puisqu'il est moins onéreux et plus maniable.

C.est ainsi que le 2 novembre 1936 ; une institutrice, Laure Gaudreault de La Malbaie, décide de mettre sur pied une association qui a pour effet de locacoaliser les forces éparpillées des enseignantes :En 1937 naît "La Fédération catholique des institutrices rurales", le F.C.I,R., fédération réunissant les associations de Jonquière, de St-Joseph-d'Alma, de Chicoutimi et de La Malbaie : La même année, on voit apparaître la Fédération des instituteurs et institutrices des cités et villes. C'est ainsi que se forment les associations et fédérations qui permettent aux instituteurs des écoles de rang d'avoir un meilleur sort, comparable à celui des grands centres. Nous assistons alors au début du syndicalisme.

Pour ce qui a trait aux conditions de travail, il faut d'abord dire que l'institutrice est considérée, depuis longtemps, comme une personne fainéante, incapable de faire un travail manuel utile. C'est avec l'instauration du système d'inspectorat, qui vise dans un but premier, à renseigner les gens sur la nécessité de l'instruction, que la mentalité, face à l'institutrice, a changé. C'est ainsi qu'elle devient la personne qui a le rôle le plus important devant la destinée des jeunes, après le prêtre, bien sûr. Bien que l'importance de son rôle est enfin reconnue, l'institutrice ne doit déroger à aucune règle. Ainsi doit-elle se faire accepter par les gens du rang, se mêler à toutes les activités de ce rang, donc avoir une "vie mondaine” assez chargée pour ne se mettre à dos aucune personne de son environnement. Ces activités para-scolaires ne doivent cependant, en rien, nuire à la moralité exigée par la profession d'enseignante. Il y a deux cas de mise à pied qui sont connus pour St-Zéphirin. Vous les trouverez en addendum 1 et 2 à la fin du présent chapitre. Il y a aussi en addendum 3, les règlements auxquels doit faire face l'institutrice de 1871.
"Autant, on lui refusait le droit de s'isoler, autant l'on désirait qu'elle garde ses distances vis-à-vis la communauté. Elle était véritablement une éducatrice pour tout le rang.'(6).
Bien que l'école de rang fait son apparition, dans le but premier d'offrir aux enfants une instruction nécessaire, elle voit son utilité augmenter pour différentes raisons. Les usages différents que l'on y applique répondent à des besoins créés, soit par la pauvreté, soit par les rigueurs saisonnières, ou encore à cause d'incendies ou du sous-développement des voies de communication. Dépendamment de la saison, son usage est modifié. Ainsi, pendant les vacances, les commissaires et l'institutrice permettent un autre usage à l'école. On considère donc cette dernière comme une salle de réunion ou comme une salle d’appoint, puisque souvent, c'était le seul lieu de rencontre pour les gens du rang, s'il y a des assemblées officielles.

1, Dorion, Jacques. Les écoles de rang au Québec, Motnréal, Edition de l'Homme, 1979, p17.
2. Ibid, p372.
3. Ibid, p33.
" Selon l'habitude du temps, vers les années 1830, les institutrices recevaient en fin d'année scolaire, une notice les avisant qu'elles n'étaient pas réengagées. La même année, on oublie de notifier Jeanne Boisclair, qui se présente à l'école centrale en septembre suivant. Une autre institutrice l'a remplacée. Elle poursuit en justice, et les commissaires doivent lui payer un an de salaire.
‘4. Pour voir d'une façon approximative l'emplacement de ces écoles de rang, voir carte n° 7.
5. (Donon, Jacques, Op. Cit., p37.
6. Ibid, p233.

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